Santiago, Antofagasta, Valparaiso... C'est dans plusieurs grandes villes du Chili que se sont rassemblés, mercredi soir, des milliers de personnes pour dénoncer le système privé de retraite de leur pays. Tambourinant sur des poêles et des casseroles - un type de manifestation appelé « cacerolazo », assez répandu en Amérique du Sud - les Chiliens ont demandé, une fois de plus, la suppression des AFP, les « Administratrices de fonds de pension ». Ce système, hérité de la dictature de Pinochet (1974-1990) fonctionne sur le principe de la capitalisation individuelle. Six grands fonds d'investissement gèrent ainsi les pensions des Chiliens.
« Quelque 90 % des retraités touchent moins de 156.000 pesos (215 euros) par mois, leur situation est très précaire », explique Recaredo Galvez, chercheur à la Fundación Sol, un institut d'études en sciences sociales. Les entreprises qui gèrent ces fonds , de leur côté, font partie des plus riches du Chili, leur rentabilité atteint selon lui en moyenne 26 % chaque année. Au total, les fonds de pension gèrent 150 milliards d'euros, ce qui représente 70 % du PIB du pays. « Il y a un certain ras-le-bol au sein de la population devant tant d'inégalités », poursuit le chercheur.
Le mouvement social, qui a pris pour nom « No más AFP » (nous ne voulons plus des AFP), a été au départ assez peu relayé par la presse chilienne. C'est à travers les réseaux sociaux qu'il a gagné en ampleur.
Le mois dernier, près de 1 million de personnes a défilé à travers tout le pays pour réclamer un changement de système. Le Chili n'avait pas connu de mobilisation aussi importante depuis les grandes manifestations étudiantes de 2011.
Retour au système public de retraite par répartition
Sous pression, la présidente socialiste a annoncé une réforme du système des AFP. « Le moment d'agir est venu. Tous les Chiliens méritent d'avoir une retraite qui leur permette de vivre dignement après des années de travail », a déclaré Michelle Bachelet, ce mardi, à la télévision chilienne. Le gouvernement propose de renforcer les aides de l'Etat aux retraités les moins aisés, et d'augmenter la cotisation des entreprises, de l'ordre de 5 % sur dix ans. La présidente souhaite également créer une AFP publique, « pour introduire davantage de concurrence et offrir une alternative aux travailleurs. » Une proposition « tout à fait insuffisante », aux yeux de Luis Mesina, porte-parole du mouvement « No más AFP ». Ce leader syndicaliste, jusqu'ici inconnu du grand public, estime que « le gouvernement évite d'aborder nos principales revendications. Nous avions dit que nous ne voulions plus d'AFP, et on nous en propose une de plus ! » Les manifestants, qui se mobiliseront de nouveau le 21 août lors d'une grande marche nationale, continuent de réclamer un retour au système public de retraite par répartition qui existait avant la dictature.